10 kilomètres et des poussières de marche nordique

Ce matin, j'avais 20 ans,

ce soir j'en ai 100.

La marche nordique s’est développée dans les pays scandinaves.  Elle consiste en une marche rapide durant laquelle 90% des muscles du corps sont sollicités:  le mouvement naturel des bras est accentué et le corps, propulsé vers l'avant à l'aide de bâtons.  
Si on ajoute à cela les discussions et les fous rires que nous avons eus... j'imagine alors que 100% de nos muscles ont travaillé. 

J'ai souvent lu qu'une façon d'augmenter notre activité physique était de stationner l'auto quelques rues plus loin que notre destination.  Inspirée par cette idée, j'ai proposé à la Fée du Lac de stationner l'auto à la gare de Val Morin et de se rendre à pied, par le parc linéaire du P'tit Train du Nord, prendre le thé dans le village voisin à Val David.  
Ce que nous avons fait.

Le Café Bistro où nous avons pris le thé 
n'était qu'à trois kilomètres de notre point de départ.  
Nous nous sommes ambitionnées; 
nous avons décidé de continuer encore un petit deux kilomètres de plus.  
Après tout, l'exagération a bien meilleur goût, dit la publicité.

Nous étions parties un peu avant le kilomètre 39,

nous avons fait demi-tour au kilomètre 44.

Avez-vous remarqué ?  Nous sommes toutes les deux sur la photo,

alors qui donc tenait le kodac ? Mystère.

C'est un gentils cycliste, 

un charmant monsieur début soixantaine

qui est passé près de nous

et qui a fait demi-tour juste un peu plus loin 

pour venir nous proposer de prendre la photo.

Un vrai gentleman.

Nous avions marché 5 kilomètres vers le nord,

il nous fallait maintenant marcher 5 kilomètres vers le sud

pour revenir à l'auto.

Après 8 km... on n'était plus capable;

mal au dos, mal aux pieds, épuisées,

mais fallait bien continuer.

On a fait une pause...

et une autre

C'est à cet endroit, près de la rivière,

que j'ai photographié le Phoenix de l'amourhomme,

une sculpture de Bendigo.

" Tel un Phoenix, c'est l'amour dans l'homme qui le fait renaître des cendres de son passé et sauter de plaisir d'être dans la joie et dans la beauté des petites choses au quoditien.  Une invitation à l'amour de soi-même" disait l'affiche.

Un homme s'est approché de la sculpture

avec une impressionnante caméra, munie d'un micro.  

"Vous êtes journaliste?", lui ais-je demandé.

Il ne parlait pas français.

J'ai répété ma question en anglais.

Il ne parlait pas vraiment anglais non plus, à peine quelques mots.

Il parlait espagnol.

On a bien tenté de communiquer un peu par signes, mais c'était ardu.

A la próxima ou Hasta louego, au choix, lui ais-je dit avant de partir.

La Fée du Lac me regardait avec des yeux grands comme des 2$

Tu parles espagnol ???  

Si

Tu me l'avais pas dit !!!  T'as même pas d'accent ?!?

Si, si

Bon, en réalité, je ne connais que ces deux phrases 

et j'adore reproduire l'accent "sensouel" de cette langue, 

mais j'aimais trop sa tête étonnée pour vendre le punch.

Piquée dans son orgueil, elle a alors voulu me montrer 

qu'elle aussi savait parler espagnol.

Au monsieur qui s'éloignait, elle a crié:

Te quiero muuuuucho!

Le monsieur s'est retourné l'air visiblement gêné

et a balbutié un minuscule thank you en souriant.

Je n'ai pas vu passer le kilomètre suivant tellement je riais.

Te quiero muuuuucho, Te quiero muuuuucho

Décidément, la fatigue et l'épuisement se faisait vraiment sentir.

Nous avons fait d'autres belles rencontres; une dame qui avait sauvé un chien, un homme qui m'a fait un joli compliment, un monsieur de Montréal qui découvrait la région,...

Par une belle journée ensoleillée, sur une sentier de marche, 

les gens sont heureux et souriants.

Malgré tout, les deux derniers kilomètres ont été

terriblement pénibles à marcher.  

C'est pas l'exagération qui a meilleur goût,

c'est la modération.  C'est juste là que je m'en suis souvenue.

De plus, marcher 10 km peut affecter gravement 

le fonctionnement du cerveau.

Si, si.

Nous avons croisé un autre charmant monsieur.

"C'est bien dans cette direction St-Jérôme?" lui a demandé 

la Fée du Lac le plus sérieusement du monde 

alors que nous étions à 40 km de là.

Le monsieur a cessé de respirer, a ouvert de très grands yeux étonnés

et là on n'a pu se retenir, on a pouffé de rire.

C'est pas Compostel ici, nous a dit le monsieur en riant aussi.

Il semblait soulagé pour nous de savoir que c'était une blague.

On a finalement terminé le 10 km.

La prochaine fois, on n'en fera que 8... je crois.

J'écris ce billet en direct de mon fauteuil duquel je n'ose plus me relever.

Hasta louego !