Hier soir, c’était la générale publique de la pièce « Les Monologues du Vagin » dans laquelle je participais.
C'est fou comme le temps se bouscule... C'est à peine une heure avant la générale publique qu'on a pratiqué les déplacements pour la première fois... ferme la lumière, va au lutrin, ferme la lumière, tout le monde debout, ferme la lumière, on change de place. Je me demandais bien si on allait se rappeler de tout ça.
À 19h30, c'est dans une salle remplie à pleine capacité qu'on est entrée. Il y avait des gens partout, il y en avait même debout.
François Jobin avait écrit que c'est dans "un moment d'inconscience pure" qu'il avait accepté de faire la mise en scène car le défi était de taille; au départ une trentaine de femmes dont une poignée seulement était déjà montée sur les planches... mission impossible... qu'il croyait.
Il y a eu... de la magie... je ne vois pas d'autres mots pour décrire comment le spectacle s'est déroulé; les déplacements, la lumière, la lecture et même la musique qu'on entendait pour la première fois.
Certes le texte était puissant mais avec l'expérience et les suggestions du metteur en scène, sa puissance s'est multipliée par deux, par cinq, par dix!
Toutes les "comédiennes" ont été extraordinaires. Il y avait comme une fusion, une connexion avec les gens dans la salle. Quand ceux-ci riaient aux éclats, la comédienne, spontanément faisait une petite pause comme si elle offrait cet espace pour que le public s'exprime à son tour. Ça m'a fasciné.
Les gens dans la salle ont traversé avec intensité toute la gamme des émotions. Ils ont ri aux larmes mais ils ont aussi été dégoûté, ils ont peut-être même aussi pleuré, moi en tout cas j'ai pleuré. Je n'ai pu contenir, malgré mes efforts.
C'était dans la scène "Dis-le". Je faisais l'introduction en expliquant que durant la seconde guerre mondiale, le gouvernement japonais kidnappait entre 50 000 et 200 000 jeunes femmes et les réduisait en esclaves sexuelles. Aujourd’hui ces « femmes de réconfort », comme on les appelait parfois, ont entre 70 et 90 ans et alors qu’elles s’éteignent petit à petit, elles demandent des excuses officielles du gouvernement japonais en reconnaissance de ce qu’il leur a fait subir. Le gouvernement japonais nie toujours toute responsabilité. J’ai du prendre une profonde respiration avant d’arriver à lire cette dernière phrase. C'est tout de même pratique de réaliser tout à coup qu'on a le droit de respirer... surtout quand la pièce dure 1h30.
À l’unisson, vingt femmes se sont levées et ont porté la parole de ces « femmes de réconfort » afin qu’elles ne tombent pas dans l’oubli : Ce qu’on leur avait promis; ce qu’elles ont trouvé; ce qu’on les a forcé à faire; ce qu’elles sont devenues. Parfois, c’était une seule femme qui lisait une ligne, pour certains autres passages c’était l’ensemble. C’était carrément insoutenable. C’est là que mes larmes se sont mises à couler. La scène se termine par des femmes qui disent au gouvernement japonais, à tour de rôle et ensemble : Dis-le, dis-le moi, nous sommes désolés, dis-le moi, à moi, à moi, dis-le, juste ce mot Dé-so-lé.
Je crois que si la scène ne s’était pas terminée à cet instant, les gens seraient sortis de la salle.
Vous pouvez ressentir l’intensité ? (J'ai profité d'un black et des applaudissements pour me moucher discrètement à l'arrière scène... j'étais juste sous un micro j'étais pas pour renifler pour tout le reste du spectacle)
Comme je l’écrivais, toute la gamme des émotions y était alors… il y a eu également des passages très… même très drôles comme… la démonstration des différents types de gémissements : le clitoridien, le presque gémissement, le semi-religieux, le montagnard, l’inopiné, le gémissement militante bisexuelle totalement libéré, le gémissement mitraillette, le diva,…
Ah! Ah! Je vous vois d’ici essayer d’imaginer quel son ça peut bien donner !
Je crois que c’est la partie avec laquelle on était le moins à l’aise mais… on a dépassé nos barrières, on s’est lâchées lousses et les gens se tordaient de rire.
Y’a bien eu quelques bafouillages, un toussotage, un ou deux décalages mais ça fait partie de la game, ça fait partie de la vie. L’objectif n’était pas d’être parfaite mais de sensibiliser les gens à une réalité, d’amasser des fonds pour une bonne cause et que les gens aient du plaisir et dans ce sens c’est… mission accomplie !
Wow! C'est beau ce que tu as écrit. Merci Aline. Je partage plein de tes émotions. Ça ne peut pas s'arrêter comme ça... Nos vendredis soirs vont me manquer.
RépondreSupprimerÀ plus
Andrée
Merci Andrée ! En effet, c'était une expérience extraordinaire.
RépondreSupprimerMerci beaucoup de m'avoir invitée à en faire partie!