On devrait déclarer la Terre en faillite et repartir sous un autre nom, m'avait dit un jour une amie.
Il y a trop de souffrance, trop d'injustices: les abus sur les enfants, la violence faite aux femmes, le viol, l'esclavage, la pauvreté, l'exclusion, les mal-aimés, les sans-abris, les épidémies, la planète qui se détériore, les ressources qui s'envolent et j'en passe !
Ça n'en finit plus ! Pendant ce temps, mon sentiment d'impuissance lui, grandit. À quoi ça sert de donner 3 cannes de soupe pour les paniers de Noël ? Qu'est-ce que ça va changer pour la planète si de temps à autre j'achète local et bio ? Quelle différence ça fera pour la population haïtienne si je ne gaspille pas l'eau potable mise à ma disposition ?
Rien, absolument rien, me rétorque mon saboteur.
Ça donne juste envie de se coucher en p'tite boule et de pleurer, mais ça non plus ça ne changera pas ces situations.
Il y a quelques jours, j'étais à déprimer sur ces réflexions - car bien sûr, pas le droit d'être heureuse quand il y a tant de misères dans le monde - quand j'ai lu sur facebook: "Nous ne pouvons ignorer notre pouvoir de changer les choses. Si un simple battement d'ailes d'un papillon peut influencer le "premier domino " d'une réaction en chaîne alors, nous ne pouvons douter que chacune de nos actions agissent sur le grand échiquier de la vie."
Et là, la lumière fut. Si un battement d'ailes fait une différence alors aucun geste que je pourrai poser ne sera sans impact. Je sais que ce n'est pas parce que je donnerai un sac de denrées à la Guignolée que je réglerai la faim dans le monde, surtout pas à moi toute seule bien sûr, sauf que... parfois un tout petit geste peut changer l'univers de quelqu'un qui a son tour pourra changer l'univers de quelqu'un d'autre, ainsi de suite.
C'est une pensée utopique, me répète mon saboteur, du déjà vu, du déjà lu, du déjà su. Un petit geste ne change rien, la misère est trop grande, qu'il ajoute.
Il allait réussir à me replonger dans mon découragement quand... un vieux souvenir a soudainement refait surface.
Il y a quelques années de cela, j’ai dû me rendre à l’hôpital pour un important problème de santé. J’étais en très piteux état. Je conduisais le cœur gros, je savais qu’on allait me passer au bistouri, m'enlever une masse de la taille d'un ballon de football. Je me sentais seule au monde à ce moment. Pas que je ne sois pas bien entourée, c'est simplement qu'ayant dû ne compter que sur moi pour survivre à mon enfance, je n'ai pas développé le réflexe de demander de l'aide. Je n'avais mis personne au courant.
Je me rendais donc seule à l'hôpital et j'étais d'une tristesse incroyable. Je ne savais pas si j'en ressortirais ou pas. Je me sentais vraiment seule au monde. J'avais l'impression de traverser un long tunnel sans lumière au bout.
À mi-chemin, je suis passée devant une vieille maison de bois et un couple assis sur le balcon m'a saluée chaleureusement, me sortant ainsi brutalement de ma léthargie. Comme si ce petit signe de la main et leur sourire radieux m'avait tiré de mon état d'apitoiement. Ils ont apporté une lumière dans ce sombre tunnel.
Je n'étais plus seule. C’était quasiment magique, mon énergie a changé en une fraction de seconde. Je me sentais le cœur léger. C'était pourtant un geste bien anodin mais il a changé le cours de ma journée, il a fait une grande différence pour moi ce jour là.
Durant près d’un an j’ai souvent pensé à ce couple. Quand j’en parlais, je les appelais mes grands-parents adoptifs... mais eux n'en savaient rien, bien sûr.
Un matin de septembre, j'ai ressenti un élan du cœur. Quelque chose de plus fort que moi. J'ai sorti un joli panier d’osier, j’y ai déposé, sur un carré de tissu brodé, les plus belles tomates de mon jardin. « Je vais les porter à mes grands-parents » que j'ai annoncé à la Fée du lac.
J'avais réalisé qu'aucun geste n'est anodin, je voulais qu'ils le sachent.
Je me sentais fébrile, je voulais leur dire tout le bien que leur simple geste m’avait fait ce jour.
J’arrive à la porte, je frappe. Le monsieur vient m’ouvrir.
« Bonjour! que je lui dit d'une voix pleine de légèreté. Voici un cadeau pour vous! » que j'ajoute en faisant mon plus beau sourire.
« C’est pour quoi ? » qu’il me répond
« Pour manger… »
« Mais pourquoi m’offrez-vous ce cadeau » insiste-t-il
« Vous savez » que je lui dit « un jour que je…. » et là je sens que mes larmes se mettent à monter. Je grimace. Je ne veut pas pleurer. J'enchaîne... « un jour où je ne filais pas… » là, les sanglots montent sans que je puisse rien contrôler... «je suis passée devant votre maison…»...le monsieur m’interromps « Est-ce que ça va? Vous êtes malade? Vous avez besoin d’aide? » C'était trop, vu auriez du voir le torrent. Plus capable de parler. Je pleurais, je pleurais et pleurait encore. Je pleurais une tristesse qui venait de très très loin.
La dame arrive à la porte. «Qu’est-ce qui se passe? » demande-t-elle inquiète. J’essais, j’essais d’expliquer mais je pleure comme une madeleine dans le cadre de porte de purs inconnus avec mon p’tit panier de tomates sous le bras. J'ai la face en grimace, le mascara qui coule... j’aurais voulu pitcher le crime de panier et me sauver en courant.
Ils m’ont fait entrer, j'ai fini par me calmer et je leur ai expliqué. Pour eux leur geste était bien banal, puisque depuis des années, ils envoient la main à chaque voiture qui passe, pour moi il a fait la différence. On ignore souvent toutes la portée de nos actions.
D'autres souvenirs se bousculent maintenant la première place... là fois où un 2$ a changé la vie d'une dame (faudra que je vous raconte ça un jour), la fois où un regard a changé la mienne, la fois où un mot gentils a redonné confiance, la fois où une soupe a fait la différence, la fois où un geste de reconnaissance à apaisé un coeur, la fois où... Des tonnes d'exemples me viennent en tête et je suis certaine que vous en avez vous aussi.
Le petit saboteur peut retourner dormir!
Finalement, aucun geste n'est anodin... je le savais, je l'avais simplement oublié.
Bon maintenant...qu'est-ce que je pourrais bien faire aujourd'hui pour faire la différence dans la vie de quelqu'un ?
Aider ''le monde'' est impersonnel parce que ''le monde'' n'existe pas. Les individus qui le compose eux sont tangibles et chacune de nos actions peut faire une différence pour eux et entraîner un effet de chaîne.
RépondreSupprimerUn jour j'étais à la caisse à l'épicerie et un homme était devant moi. Il avait 2 petits contenants de yogourt et quelques bananes. Sa carte de débit ne fonctionnait pas. Il n'avait pas d'argent sur lui. Ce n'est pas dans mon habitude de payer les épiceries des gens que je ne connais pas mais il avait un air si désemparé, voir désespéré que je n'ai pas hésité à sortir un 2$ et le donner à la caissière.
Il m'a longuement serré la main et m'a remercié les larmes aux yeux.
J'ai recroisé cet homme quelques mois plus tard à l’école de mon enfant. Il m'a alors raconté que le jour où nous nous sommes croisés à l'épicerie lui et sa famille venait tout juste d'arriver de l'aéroport. Ils immigraient ici. Ses enfants avaient faim et étaient épuisés puisque cela faisait plus de 24 hrs qu'ils voyageaient. Il a donc demandé au taxi de s'arrêter à l'épicerie pour y prendre quelques provisions. Il m'a dit s'être sentie comme un minable lorsque sa carte de débit ne fonctionnait pas. Il a eu à ce moment un grand sentiment de découragement et de doute quant à sa décision d'amener sa famille ici.
Mon action l'avait non seulement réconforté mais elle lui a aussi donné l'impression que la communauté dans laquelle il venait s'installer était généreuse. Lui et son épouse ont voulu redonner à la communauté.
Son épouse s'était donc porté volontaire comme surveillante pendant la période de dîner à l'école du quartier.
La directrice de l'école, que je connais personnellement, m'a dit que l'argent que l'école avait économisée en ayant cette bénévole avait permis de faire contruire des rampes d'accès au second étage. Les quelques élèves en chaises roulantes avaient donc maintenant accès au laboratoire d'informatique.
J'espère sincèrement que Petit Saboteur lit ton blogue chère Fée.
Quelle merveilleuse et touchante histoire RAnnieB ! Je suis très très émue.
RépondreSupprimerTu as bien raison... le "monde" n'existe pas mais le coeur des gens... oui.
Merci encore pour cette si inspirante histoire.
Merci Fée, de faire signe, que rien n est anodin, parfois (bon je passe au mode du je au lieu de on) j oublie.
RépondreSupprimerFée, Annie , est-ce la premiere fois que vous écrivez ou dites ces fait vécu?
car je vous ai écouté ou lu dans un autre ailleurs.
le monde est petit, serais-ce idem pour le virtuel...
loudesbois
Très touchant ton histoire Aly à l'approche des fêtes...partager ne serait-ce qu'un sourire apaisera bien des souffrances et redonnera espoir à ceux qui l'on perdu.
RépondreSupprimerMoi qui te connaît, j'ignorais cet incident "médical" tu s'emble aujourd'hui bien remise...longue vie à toi très chère!
Mafalda
Ce que tu pourrais faire ?
RépondreSupprimerTu viens juste de le faire. Écrire cela pour moi qui me sens si seule, et qui parce que comme toi, Fée des bois, sais depuis toujours que chaque petit geste compte, viens de me dire qu'une petite fée dans les bois, partage un morceau d'histoire avec moi.
Tes grands-parents adoptifs ont aussi reçu quelque chose puisque tu as tissé une autre boucle en venant les voir !
Je t'embrasse
@loudesbois
RépondreSupprimerEn effet, je commente fréquemment sur d'autres blogues que j'affectionne. C'est la première fois par contre que je raconte cette anectdote sur le web.
Aussi, à moins que se cache derrière le masque du loupdesbois une personne de mon entourage immédiat (j'en doute) vous n'auriez pas entendu cette histoire de ma bouche. Je doute fort aussi qu'elle soit connue de beaucoup de gens. Je serais donc curieuse de savoir où vous l'avez entendu ou lu auparavant.
p.s. Fée des Bois, j'ai tenté de laissé ce commentaire hier en soirée mais sans succès..
Le commentaire précédent est de moi. J'ai oublié de m'identifier.
RépondreSupprimerMerci loudesbois ! Tes commentaires me font toujours plaisir.
RépondreSupprimerMerci Mafalda ! C'est vrai qu'un sourire peut faire toute la différence.
Merci Pétales de fées ! Je te fais un gros câlin.
Ce n'est pas la période de l'année la plus facile... On a tellement tendance à broyer du noir, à se sentir envahi(e)s par le découragement, le ras-le-bol, l'impuissance...
RépondreSupprimerJ'ai lu ton billet avec beaucoup d'émotion : les larmes me sont venues aux yeux plusieurs fois, parce que oui la planète est dans un bien triste état, et oui les hommes sont cruels partout dans le monde...
Mais ce sont ces gestes anodins qu'on ne comprend pas forcément, qui font de nous un peu plus que des singes...
C'est peut-être la seule chose qui nous différencie vraiment des animaux, au fond : l'entraide, la solidarité...
Merci pour ce billet : il m'a réchauffé l'âme.
Je suis très heureuse que ce billet t'aie réchauffé l'âme un peu. Sans se mettre la tête dans le sable, je crois qu'il faut aussi regarder le bon et le beau dans le monde et faire de son mieux pour l'alimenter... ça nous empêche de virer crackpot. lolll
RépondreSupprimerEt comment va la santé aujourd'hui?
RépondreSupprimerEt quand reviens-tu déposer un petit coucou sur mon blog?...
Pour me donner de tes nouvelles... et des miennes!!!
Merci Ecrit sur la vitre !
RépondreSupprimerMa santé va bien, merci de t'en informer. :)
C'est vrai que ça fait un petit bout que je ne suis pas allée te rendre visite... prépare le thé, j'arrive !
Quel magnifique, touchant et généreux billet.
RépondreSupprimerMerci...
:O)
Merci beaucoup Sally Fée !
RépondreSupprimer"alors aucun geste que je pourrai poser ne sera sans impact."
RépondreSupprimertellement vrai ! Ne serait-ce qu'un pot de nutella, peut apporter du bonheur à un enfant un matin de Noël.
Du Nutella ! Quelle belle et savoureuse idée !
RépondreSupprimerTu as bien raison Éléonore... je me souviens quand j'avais trop peu de revenus, je privilégiais les aliments le plus nourrissants possible pour un minimum de sous... alors le Nutella c'était rare... quand il y en avait c'était la fête! L'abondance! Une douceur réconfortante.
Tiens... tout le monde à l'épicerie aujourd'hui... on achète un ou deux pots de Nutella à offrir. :)
Bonne journée !
J'adore te lire et tu as tellement raison! Aucun geste n'est anodin, tous ont leur raison d'être et servent à quelque chose.
RépondreSupprimerBonne journée!
Quel beau billet. J'en suis émue comme si j'avais vécu ton histoire :) Merci pour ce partage. Effectivement, chaque petit geste peut faire une différence pour l'autre...
RépondreSupprimerNotre âme étant Tout, il y a dans l'autre une petite partie de notre âme. Quand on en prend conscience, on voit le monde différemment. Quand on fait un petit geste vers l'autre, c'est aussi vers une partie de notre âme que nous portons ce geste
Bonne journée !
Merci beaucoup Francine ! :)
RépondreSupprimerMerci Johanne ! J'aime beaucoup cette façon de voir, c'est un perspective nouvelle qui me plaît.
Passez une très agréable journée.
Quel magnifique et touchant écrit! Vous vous demandez ce que vous pourriez faire pour faire la différence dans la vie de quelqu'un chère Fée des Bois ? Mais vous le faites à chaque instant chère amie...Le fait d'Être et de rayonner toute la beauté de votre coeur apporte et fait la différence...Chaque fois que vous avez une pensée de générosité, de douceur, de compassion, de pardon, d'amitié, d'amour...vous faites une différence. Vous faites une différence si grande que personne ( sur les milliards que nous sommes ) peut le faire exactement comme vous. C'est pas rien ma chère amie :) Vous faites une différence à chaque fois que vous souriez, que vous appréciez la vie, que vous avez de la gratitude pour la vie,...Vous faites une différence à chaque fois que je viens vous lire...car je découvre quelque chose à chaque reprise. Vous avez l'art de montrer toute la noblesse et la grandeur des petits bonheurs tout simples...vous faites une différence dans le quotidien de bien des gens chère amie. Soyez-en assurée :)
RépondreSupprimerAvec toute mon amicale affection,
André :)