...sur cette route sinueuse et vallonneuse.
J'étais en retard ce matin; le réveil n'avait pas sonné, il faisait froid en dehors des couvertures, il n'y avait plus d'eau chaude pour le bain, il n'y avait plus de fusibles de rechange dans le tiroir, bref, une série d’évènements qui me donnaient le goût de rester couchée en petite boule dans mon lit.
J'avais laissé un message sur le répondeur au travail:
Coucou c'est moi... je serai en retard, j'arrive juste pas à partir de chez moi, j'arriverai... un jour.Un retard d'une quinzaine de minutes n'était pas dramatique. Je ne suis jamais en retard, souvent à la dernière minute, j'en conviens, mais pas en retard. Je n'avais pas de rendez-vous, je ne ferais attendre personne. Je n'avais pas de raison pour m'énerver autant. Pourtant je le faisais.
J'ai finalement réussi à sortir de la maison. Mauvaise surprise! Les vitres de l'auto étaient toutes givrées et bien sûr mon "kit" d'hiver était quelque part dans la cave embourbée.
J'ai fini par partir.
Je roulais vite, trop vite. J’étais bien au-delà de la limite. J’ai pensé que si mes vitres étaient givrées, il était possible que la route le soit aussi... j’ai voulu ralentir... je ne l’ai pas vraiment fait, un camion me suivait de près, j’ai plutôt stupidement accéléré. J’étais en retard et je déteste être en retard.
Il y avait une lutte entre ma raison et mon angoisse et cette dernière prenait malheureusement le dessus.
Au loin, au beau milieu de la route, en fait ce n’était pas au beau milieu mais directement dans ma voie, quelque chose était là, immobile. Je l'ai reconnu, c’était mon loup. Certaines personnes plus cartésiennes diraient que les loups ne se baladent pas en plein jour, encore moins sur le bord des routes, qu’il s’agit probablement d’un Husky ou d’un Malamute mais moi je l’appelle un loup, je l'appelle mon loup.
J’ouvre ici une petite parenthèse pour vous parler de lui. Ce n’est pas la première fois que je le vois, c’était la troisième fois en autant d’années. Je l'avais vu la première fois il y a environ trois ans mais je ne m'étais pas arrêtée. J'ai peur des chiens; adolescente, j'ai été sérieusement attaquée par un St-Bernard. Je n'ai pas développé d'affinités, d’ailleurs, je n'ai jamais eu de chien. Mais celui-là a vraiment quelque chose de spécial.
La deuxième année, je m’étais arrêtée. Il ne s’était pas approché mais ne s'était pas sauvé non plus. On était resté là à se regarder à travers la vitre de l’auto. Son regard me fascine, un regard profond, intense, troublant, comme s’il me regardait l’âme.
Ce matin au milieu de la route, c'était lui... je l’ai reconnu sans l'ombre d'un doute.
J'ai ralenti, ralenti, ralenti, il ne se déplaçait pas. J’ai dû m’immobiliser complètement. Il m’a regardé droit dans les yeux, a lentement traversé la route et s'est de nouveau arrêté pour me regarder... dans l'âme. D'un seul coup, paf! l'illogisme de ma conduite m'a sautée au visage.
Un retard ne vaut jamais qu'on risque sa vie... ni celle des autres. Je le savais, bien sûr, mais là, je le ressentais vraiment.
Je lui ai dit merci et je suis repartie, en conduisant...prudemment.
J'aimerais bien un jour arriver à le prendre en photo pour vous le montrer... peut-être l'an prochain.