Je ne l'ai pas écrit, je l'ai lu
et j'y ai appris une foule de choses!
Entre autres, qu'Agatha, la demi-soeur de Cendrillon, était inconsolable depuis que le prince avait préféré sa soeur à elle. Qu'elle ne se calme que lorsqu'elle voit un vidéoclip de Justin Timberlake; que Rapunzel est désagréable, qu'elle fait sa fraîche avec ses longs cheveux noirs dont les pointes sont sûrement cassées; que Boucle d'or a un dossier criminel depuis qu'elle s'est fait arrêter pour destruction volontaire des biens d'autrui; que la servante de la Belle au bois dormant transporte toujours un oreiller et une couverture en cas d'urgence et là, je ne vous parle pas de Blanche-Neige, des 7 nains, de la Mère Michel et de tous les autres sur lesquels j'ai appris de croustillants potins. Je vous le dis, on nous a caché beaucoup de choses.
Le petit roman était court, léger, facile à lire, avec tout plein de rebondissements inattendus. Je n'avais pas compris que c'était un roman jeunesse jusqu'à ce que, à la dernière page, tout en bas de la recette de tarte aux pommes non empoisonnées, je lise ceci:
Une rapide recherche Internet m'a appris que ce livre était destiné aux enfants de 8 ans et plus. C'est seulement à ce moment que j'ai réalisé que ne n'avais jamais lu de roman jeunesse. J'étais sous le choc. Jamais un seul.
Dans mon enfance, il n'y avait qu'un livre dans la maison: Le Prophète de Khalil Gibran. Enfant, j'ai bien essayé de le lire, mais c'était trop hermétique, je n'y comprenais strictement rien. Quelques années plus tard, j'avais de nouveau essayé et là, tout était étrangement clair et limpide. C'était fascinant! Je n'en revenais pas! Encore quelques années plus tard, j'ai essayé de le relire de nouveau, mais je n'ai plus retrouvé le plaisir que j'avais éprouvé à ma deuxième lecture. Voilà, ce qui résume l'ensemble du parcours littéraire de mon enfance.
Chez nous la lecture n'était pas encouragée, elle était même interdite. Mon père avait peur que la lecture de romans me "monte la tête", qu'elle biaise ma vision de la réalité, parce que bien sûr, tout ce qu'il y avait dans les livres n'avait strictement rien à voir avec la vraie vie. Fallait pas rêver !
Il y a bien eu un autre livre, un livre juste à moi, un livre permis. Je crois qu'il m'avait été offert par une de mes tantes. C'était un livre énorme, rose, dans lequel on trouvait tout ce qu'une femme devait savoir. C'est ce qu'on disait à cette époque.
Ce livre m'a accompagnée durant toute mon adolescence, je l'ai lu, relu et relu encore et encore, tellement, que je l'ai presque appris par coeur. En fait, c'est ce livre qui a fait mon éducation.
Tous les sujets y étaient traités: beauté, soins, maternité, les réceptions, le savoir-vivre, tout tout y était expliqué en détail.
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Y'avait pas grand chose dans nos assiettes, mais je connaissais très bien l'art de la table. Je savais qu'il fallait commencer par les couverts les plus éloignés de l'assiette, qu'on n'inclinait pas son bol pour récupérer les dernières gouttes de soupe, que l'assiette à pain se place en haut à gauche, que la fourchette se place la pointe vers le bas. J'étais prête pour le jour où, comme madame Tisseyre, j'irais dans les grandes réceptions.
À la maison, je n'avais pas droit au maquillage, c'était vulgaire, disait mon père. Je me pratiquais tout de même avec du maquillage... invisible et, certains jours, je me sentais même jolie.
Dans ma petite vie de misère,
Michelle Tysseyre a vraiment fait une grande différence.
Aujourd'hui, j'ai plus d'une bibliothèque dans la maison et elles sont pleines à craquer. Elles débordent de livres sur tous les sujets qui m'intéressent, de romans aussi. J'adore les livres.
Tantôt, un roman jeunesse s'est ajouté. Temporairement. Dès que je rencontre une plus de 8 ans intéressée à lire l'histoire de la soeur (pas si) laide de Cendrillon, je lui offre!